Dans l’article précédent du cycle Agile@Scale, nous avons réalisé un constat cinglant, par l’intermédiaire de différentes études françaises et américaines, sur le fait que les bases de l’agilité (l’implication des utilisateurs et des métiers, la réduction de la boucle de feedback, l’amélioration continue) ne sont pas maîtrisées. De ce fait, un sentiment de malaise au sein de la planète Agile monte. Ce dernier est porté par les leaders du manifeste qui en appellent à l’abandon de l’agilité.
J’ai voulu comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là en quelques années et je vous propose ici d’en partager mes conclusions.
Toute entreprise, qu’il s’agisse d’une startup, d’une scale-up ou encore d’une entreprise de l’économie traditionnelle, peut être globalement modélisée en utilisant trois éléments: le management, le product management et la production. Ils peuvent être agencés comme le montre la figure 1.
Figure 1 - Modélisation de l’entreprise selon trois axes
Mais alors pourquoi l’agilité fonctionne-t-elle dans une entreprise de type startup, que cela ne semble pas fonctionner dans des entreprises de type économie traditionnelle, et que cela à tendance à se perdre dans les scale-up?
Il existe une différence importante entre l’univers des startups et celui des entreprises et Scale-Up.
Les premières, les startups, sont à la recherche de leur business model. Elles doivent prouver rapidement que leur concept répond à un problème de société et qu’il y a une clientèle prête à acheter leur produit. Les startups se penchent naturellement sur les notions Product Management et Production, comme le montre la figure 2.
Figure 2 - Une startup est axée Product Management et Production
En effet, la partie Product Management et Production sont le lieu où on se pose les questions suivantes:
- Les fonctions que nous créons répondent elles à un problème client?
- Comment pouvons nous délivrer en continu ces fonctions?
Derrière ces questions, nous pouvons y rattacher la notion suivante: “Créer de la valeur et l’amener au plus vite au client final” comme le montre la figure 3
Figure 3 - vision Produit
Les secondes, les entreprises, ont un business model établi. Elles sont essentiellement conduite par une chose, la peur des pertes car elles se doivent d’être rentables vis à vis des investisseurs qui ont mis de l’argent pour financer leur croissance. Elles penchent donc naturellement sur la notion de management comme le montre la figure 4.
Figure 4 - Une entreprise est axée Management
Le management, c’est la tour de contrôle de l’entreprise. Il commande et contrôle l’activité en tentant de répondre en permanence à ces trois questions:
- Combien cela va me coûter de créer ce projet?
- Combien cela a coûté de créer ce projet?
- Quel est le ROI du projet?
Derrière ces questions, nous pouvons y rattacher la notion suivante: “Améliorer l’efficacité opérationnelle” comme le montre la figure 5
Figure 5 - La vision Management
C’est pour cela que toute initiative, lancée dans une entreprise, est systématiquement abordée en regardant 4 choses: le coût, le Délai, le périmètre fonctionnel et la qualité. Il est habituel de représenter ces éléments sous la forme d’un triangle où l’on retrouve la qualité au centre et les 3 autres éléments qui en composent son sommet (cf figure 6).
Figure 6 - Le triangle de fer
Ainsi lorsqu’on démarre un projet, on essaye de jouer sur trois leviers, que sont les coûts, le temps et le périmètre pour livrer le produit demandé. Mais rapidement, on se rend compte d’une chose:
- Si on baisse les coûts, la qualité qui est au centre baisse aussi,
- Si on baisse le temps, c’est à nouveau la qualité qui baisse aussi,
Le seul axe, sur lequel on pourrait jouer, sans dégrader la qualité est l’axe du Périmètre. Malheureusement, ce n’est pas possible car il a été fixé par le cahier des charges sur lequel vous avez du vous engagez pour obtenir le budget.
Du fait de ce biais, la notion d’agilité n’est donc pas perçu par le même prisme:
- Pour les start-up, l’agilité s’entend dans le sens “ Créer de la valeur et l’amener au plus vite au client final”
- Pour les autres, l’agilité s’entend dans le sens “Améliorer l’efficacité opérationnelle”
Et c’est là où le coeur du problème se trouve, de là que partent tous les échecs car on ne parle pas de la même chose.
Mais vouloir faire en sorte que les entreprises de l’économie traditionnelle et les Scale-up basculent complètement sur le sens “Créer de la valeur et l’amener au plus vite au client final” est une illusion.
En effet, il faut tenir compte du fait qu’elles doivent continuer à être rentable. Par conséquent, je pense qu’il faut accompagner ces entreprises pour ré équilibrer la balance (cf figure 7).
Figure - 7 l’agilité, une question équilibre
Mais pour arriver à ce rééquilibrage, et faire que l’agilité devienne enfin une réalité dans ces entreprises, il est temps de faire un reset sur notre façon de l’implémenter. Il est temps d’arrêter de vouloir mettre en place un framework pré défini comme on monte un meuble d’un célèbre fabricant suédois.
Si l’on veut inscrire une démarche agile dans la durée dans une entreprise, revenir à la définition de l’agilité vu par les signataires et trouver ce fameux équilibre, il est nécessaire d’aborder cette mutation en parlant le seul langage qu’une entreprise comprend, celui de la gestion des risques.